Des groupes se forment pour mettre en commun leurs épargnes, telles les « tontines » africaines. D’autres luttent contre l’invasion de la publicité dans tous les aspects de la vie quotidienne. Des jeunes s’entraident dans la réalisation de courts métrages à budget planchers. Des producteurs s’engagent dans les cultures Bio, mettant leurs activités à profit pour faire de la réinsertion professionnelle. Certains revoient entièrement leurs modes de vie en intégrant des communautés, basées sur des valeurs d’ouverture et d’entraide.
Quoi qu’extrêmement diverses, ces initiatives ont ceci de commun qu’elles questionnent les modes de vies actuels, compensent le retrait et l’impuissance croissants de l’Etat dans bien des domaines, redonnent du sens à des actes quotidiens, ravivent l’entraide sans la confondre avec la charité... Loin de rester spectateurs, des citoyens décroisent les bras, résistent, innovent…
Rompre l’isolement, capter les énergies
Les principaux défis auxquels nous sommes actuellement confrontés sont de plus en plus finement analysés, et relayés très efficacement par des instances comme le Forum Social : mondialisation à dominance économique, déséquilibre croissant dans la répartition des richesses, détricotage des acquis sociaux, agression contre les services publics ou services publics déconsidérés, crise écologique, délitement des liens sociaux, montée de l’intolérance et des extrémismes, etc. Mais il faut aussi reconnaître que face à ces enjeux, les réponses sont encore très disparates et partielles, et nous sommes toujours à la recherche d’impacts significatifs.
Aussi importantes soient-elles, les Résistances Innovantes sont par ailleurs trop souvent isolées, astreintes à lutter pour la réalisation de leurs activités quotidiennes sans trouver le temps de se relier et de partager leurs expériences. Au mieux sont elles intégrées de manière verticale, par secteurs, chacun négociant séparément ses relations avec les autorités dites subsidiantes.
D’importantes structures ont certes pu émerger, ayant acquis une visibilité et une crédibilité qui leur permettent d’occuper le terrain et de faire valoir leurs points de vue, avec le principal inconvénient qu’elles en viennent parfois à étouffer l’émergence de nouvelles initiatives qui ne demandent qu’à prendre leur essor. En effet, la recherche de moyens pour mener leurs actions pousse les personnes et les groupes à la base de nouvelles initiatives à développer un esprit de compétition pour accéder à la reconnaissance et aux subventions de l’Etat. Etat pour lequel elles sont par ailleurs devenues indispensables par leur prise en charge de secteurs de plus en plus importants de la vie sociale et économique qui lui sont normalement dévolus (éducation/formation, logement...). Etre (re)connu, représenté dans les plateformes, maîtriser les rouages de l’administration et des dossiers de subventions devient alors plus vital que de suivre ses activités et être à l’écoute du terrain. De ceci découle également le risque de devenir de simples exécutants ou instruments de politiques, au lieu d’en être l’avant garde.
Face à ces enjeux de taille, nous n’avons certes pas de solution « clé en main » à apporter, mais les rencontres avec nombre d’acteurs d’associations en résistance et en recherche d’innovation nous ont permis d’acquérir quelques certitudes. La première est qu’il faut rompre l’isolement des résistances innovantes et leur octroyer davantage de visibilité. Des mouvements et associations ayant déjà des expériences historiques de résistance et de combats socio-économiques, culturels, de solidarité locale ou internationale ont beaucoup à nous apprendre et à partager. Par ailleurs, chaque jour naissent des petits groupes qui répondent à des problèmes très concrets mais restent très isolés. Tant que nous ne ferons pas en sorte que ces groupes se rencontrent, partagent leurs expériences et développent des collaborations, nous n’arriverons jamais à avoir une approche globale du changement social, et nous serons incapables de négocier notre place par rapport à l’Etat. Il est également clair que nous ne travaillons pas contre l’Etat, mais que nous militons pour que celui-ci soit réhabilité dans les fonctions de régulation de la vie économique et sociale. Enfin nous sommes conscients que les militants qui sont à la base d’une grande partie des résistances innovantes ont envie de passer le relais à de nouvelles générations, mais celles-ci sont parfois difficiles à mobiliser.
Serions nous devenus ringards, corporatistes soucieux de notre seule survie ? Sommes nous capables au cours d’un tel rassemblement de nous questionner sur la nécessité de recréer un transversalité intersectorielle de nos aptitudes, capacités et expériences de négociation avec la puissance publique ? Avons nous encore une perception commune de la notion de service public ? Serions-nous disposés à échanger nos savoirs en matière de négociation, d’approche de la population et des jeunes générations ? Que communiquons nous ?
Ces constats et questionnements ont donné à L’association des Amis du Monde Diplomatique de Belgique (AMDB) l’idée d’engager une dynamique de rencontres et de réflexion qui aura comme point d’orgue l’organisation d’un grand Rassemblement des Résistances Innovantes (RRI). Ainsi pendant deux journées, deux à trois cent groupes de Résistances Innovantes de toutes tailles et de tous types pourront se rencontrer et échanger (journées 1 et 2) et s’ouvrir et se faire connaître par un large public (journée 2).
En engageant cette initiative, il est clair pour les AMDB qu’il est question de lancer une dynamique qui puisse capter les énergies, favoriser l’émergence d’idées et renforcer la visibilité. Ouvert aux initiatives et contributions des participants, le RRI n’a par contre pas pour objectif la création d’une nouvelle structure permanente de coordination.
Où en sommes-nous cet été 2008 ?
En 2006, la première étape du projet fût l’identification de résistances innovantes, avec la constitution d’un fichier de plus de 600 références. L’intérêt, pour ne par risquer de faire double emploi avec des réseaux existants tels que le Forum Social de Belgique ou ATTAC, est en effet d’aller au-delà des organisations faîtières, pour essayer de toucher les petites initiatives, qui peuvent parfois être informelles.
Ce travail a également permis de repérer différents secteurs dans lesquels s’activent les RI. Ont ainsi été répertoriées des initiatives dans les domaines suivants : la finance, la formation, l’éducation, la réinsertion, les énergies, la paix et la démocratie, le tourisme, la communication, l’information, l’agriculture, l’environnement, l’économie sociale, le commerce, les jeunes, les femmes, les migrants, le logement, le sport, la culture, la santé, les nouvelles techniques de l’information et de la communication (NTIC), la lutte contre les exclusions.
Ces premiers contacts ont mené à l’organisation, en 2007, de quatre assemblées régionales à Mons, Liège, Bruxelles et Namur[1]. Quelques 200 associations, ONG, représentants syndicaux, citoyens résistants, ont ainsi répondu à l’invitation, représentant un large échantillonnage des divers secteurs.
Suite à ces rencontres, il est apparu que le projet RRI suscite beaucoup d’intérêt et que sur la forme, le principal obstacle à dépasser serait le manque de disponibilité lié à la surcharge de travail des personnes engagées dans des résistances innovantes.
Divers points ont cependant été soulevés sur le fond du projet :
- Nécessité d’approfondir la notion de Résistance Innovante, la manière dont se joue le rapport aux normes et les relations avec la puissance publique, en quoi l’innovation est indispensable etc.
- Comment s’assurer que cette initiative ne fasse pas double emploi avec des réseaux / initiatives existants ?
- Bien que l’organisation d’une rencontre de résistances innovantes a en soi beaucoup d’intérêt (visibiliser, décloisonner, élaborer des stratégies communes…), il est nécessaire d’organiser le rassemblement, l’objectif visé étant de réunir 3000 personnes pour deux jours autour d’activités et d’objectifs plus concrets, qu’il reste à déterminer.
Que faire pour associer davantage de jeunes dans le projet et, de manière plus générale, dans les résistances innovantes ?
La prochaine étape : le 4 octobre 2008
Face à ces questions dont nous reconnaissons le bien fondé, il est nécessaire d’organiser une étape intermédiaire, avant l’organisation du rassemblement en tant que tel, pour mieux asseoir le projet. Bien que nous ne voulions pas fixer à l’avance tous les contenus du rassemblement que nous organiserons, afin de laisser le maximum de place aux initiatives de tous les participants, nous devons au moins en dessiner les grandes lignes. L’AMDB ne souhaite cependant pas décider à elle seule les contours du projet, qui devrait être le résultat d’une réflexion collective de Résistances Innovantes.
C’est pour cela que nous avons décidé d’organiser, le samedi 4 octobre 2008, une journée préparatoire du rassemblement des résistances innovantes, dont les principaux objectifs seront les suivants :
- Définir une vision claire et partagée des fondements et principaux objectifs du RRI.
- S’entendre sur les principaux aspects de l’organisation du Rassemblement en tant que tel.
Initier une première étape de rassemblement, en conviant, pour cette journée, 200 personnes représentant des résistances Innovantes.
De surcroît, les éléments rassemblés au cours de cette rencontre devraient nous permettre de rédiger un solide argumentaire, et d’avancer dans le processus de collecte de fonds, indispensable à la réalisation du RRI.
Modalités de participation à la journée du 4 Octobre
Envoyer un courriel à rri-amdb@skynet.be avec vos coordonnées complètes (nom, adresse, tel, courriel), ou composez 02 231 01 74.
Inscription : 10 euros
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